Carlos gardel – La voix de l’argentine, Tome 2, est un album en noir et blanc. Dans l’interview ci-après, l’auteur précise l’origine de son attirance pour la planche dessinée, et les raisons de son entrée dans la famille du « blank et noir » comme il le dit avec l’accent sud-américain. Il s’explique également sur ses attaches avec le cinéma puis la musique. Les années 40 et 50, âge d’or des historietas argentines ont illuminé l’enfance et l’adolescence du dessinateur :
Quels sont les albums qui vous ont marqué à l’époque ?
Le premier, c’était Bucky Bug, l’histoire d’un groupe d’insectes, écrite dans les années 30. C’était très écologique, puisqu’ils vivaient dans un terrain vague en recyclant tous les rejets des humains. J’avais cinq ans, et j’étais captivé par cette histoire, même si je ne savais pas lire. À 9 ans, j’ai découvert Alberto Breccia et Hugo Pratt, en achetant des magazines. Et quand j’avais 11 ans, mes parents m’ont inscrit à l’école panaméricaine d’art.
Vous avez très tôt eu envie de devenir dessinateur ? Oui, j’étais totalement sûr que je voulais faire du dessin narratif, pas de la littérature dessinée. Dans ces années où l’abstraction régnait, la bande dessinée était le seul refuge du figuratif.
Je faisais de la bande dessinée de façon clandestine vis-à-vis de mes professeurs, et ça me donnait beaucoup de tristesse. C’était comme un grand amour, un peu honteux, que l’on ne pouvait pas exhiber en public. On me regardait comme un phénomène, en me disant : « Tu fais de la bande dessinée ? Mais tu as l’air intelligent, pourtant? »
D’où venait ce mépris pour la bande dessinée, selon vous ? La bande dessinée a remis ensemble ce qui est né ensemble. Il y a un conflit entre l’image et les mots. Le mot vient de l’image et ne veut pas le reconnaître. La sacralité, c’est les mots, et l’image, elle, fait peur. Elle mange les mots.
Le cinéma vous a-t-il également influencé ? À cette époque, on voyait quatre longs-métrages par jour, et la fenêtre du cinéma m’aidait à développer ma culture visuelle. J’admirais le néoréalisme italien, les films du réalisme poétique français des années 30 avec Jean Gabin et Arletty, le Bergman du début, et l’expressionnisme allemand des années 20. Dans ces films muets, les corps faisaient la narration, tout ça formait le chaudron visuel de notre expérience.
Toujours du noir et blanc ? Oui, je l’avais découvert avec Pratt, j’ai continué avec les comics américains. La famille du blanc et noir a toujours été celle dans laquelle j’ai voulu rentrer. Hugo Pratt racontait la lumière, Alberto Breccia plutôt l’obscurité.
Et vous ? J’aimerais penser que j’habite à la frontière. Tout comme je suis né à la limite de Buenos Aires, là où commence la pampa.
Et la couleur ? J’ai passé plus de trente ans avec la bande dessinée en blanc et noir. Seulement l’encre, les plumes et les pinceaux à ma table à dessin. Les couleurs ont commencé à apparaître avec le désir de dessiner mon endroit natal. Buenos Aires me demandait le bleu ou le jaune, tandis que New York, la ville d’Alack Sinner, ne me demandait rien.
Dans ce monde d’images, quelle place occupe la musique ? J’ai grandi entre le tango de ma mère et la musique classique de mon père. Puis à 12 ou 13 ans, j’ai commencé à écouter du rock anglo-saxon. Et j’ai découvert ensuite le jazz du début du 20e, toute cette famille des voix cassées, de Bessie Smith à Billie Holiday. Finalement, en musique, j’ai trouvé un équilibre binaire, entre une noire du nord, Billie Holiday, et un blanc du sud, Carlos Gardel.
VOIR LA VIDEO très courte -1’20 dans laquelle José Muñoz parle de son personnage Carlos Gardel :
http://www.linternaute.com/livre/bd-manga/interview/jose-munoz/carlos-gardel.shtml
Source : http://bd.blogs.sudouest.com/interview 24/01/2008